Cerys Ailsa Tamsin est née en 1843 à Londres, dans la chambre de ses parents, au manoir dans lequel elle vivra toute sa vie. Sa naissance fut difficile et la nouvelle concernant l'albinisme du bambin fut un choc pour ses parents, mais ils réussirent tous les deux à passer par-dessus et élevèrent leur enfant exactement comme se doit de le faire une famille faisant partie importante de l'élite.

Cerys eut une enfance remplie de bonnes manières, de musique, de danse, de banquets, de fêtes ennuyeuses, de politique, de problèmes et de diplomatie. Elle suivait des cours à domicile, apprenait à chanter, à danser, à jouer du piano, à coudre et à être une bonne femme à marier. La totale. Elle coulait des jours ennuyants et simples, n'ayant pas vraiment le droit de sortir du manoir. Son père, Edward Tamsin, était un politicien très ancré aux traditions et surtout, extrêmement charismatique... et infiniment sévère. Malgré cela, il ne se présenta jamais à une quelconque élection, préférant agir "dans l'ombre de la politique". En gros, il était du côté des magouilles, traîtrises, coups bas et négociations. Sa mère, Ailsa Starrick, ne travaillait naturellement pas et se contentait de rester au manoir à papoter et à recevoir des amies pour parler de choses qui n'intéressaient aucunement Cerys, qui se voyait obligée d'assister à toutes les réunions et visites organisées par ses parents.

Et d'aussi loin qu'elle se souvienne, sur son passage, elle ne faisait qu'entendre encore et encore le même surnom qui lui avait été attribué : Ugly Face. Elle ne compte plus le nombre de commentaires blessants à son égard, qu'ils aient été dit directement ou en coulisse, en quelques murmures. Ce fut ce qui la poussa à cacher son visage et à faire des choses... plus graves.

Il ne faut pas oublier l'importance qu'accordaient ses deux parents à la religion. Cerys était complètement contre les valeurs et agissements de l'église anglicane, ce qui était une grande source de conflits avec son père tout particulièrement. Lorsque les disputes éclataient, c'était toujours Cerys qui en payait (très chèrement) le prix et c'était sa mère qui se devait de la consoler. Ailsa Starrick avait beau croire énormément en l'église et en Dieu, jamais elle ne se mettait en colère lorsque sa fille en disait des choses mauvaises. Cette femme, c'était la tendresse incarnée. Un soir, alors que l'albinos avait environ quinze ans, sa mère la consola en lui donnant un cadeau qui se transmettait de mère en fille. C'était la mère de sa grand-mère qui avait commencé cette tradition et elle espérait que celle-ci dure longtemps. Ce cadeau, c'était la montre à gousset qui l'accompagna jusqu'à sa mort. Cerys y accorde beaucoup d'importance.

À ses cinq ans, un jeune homme âgé de quinze ans fit son apparition dans la famille en tant que Butler personnel de Cerys. Deux ans plus tard, la famille de celui-ci finit par se faire héberger dans le manoir, à condition que jamais Edward (qui désapprouvait cette décision, mais qui laissa tout de même couler) n'entre jamais en contact avec elle ET que le jeune homme en question (nommé Joseph Clark) sois en tout temps en compagnie de la petite albinos. Le but était initialement de la protéger et plus tard, de la surveiller. Au départ, Joseph restait très professionnel, mais à mesure que Cerys grandissait, ils se lièrent d'amitié Elle pu assister à son mariage et plus tard, à la naissance de son fils. Durant toute sa vie, dès qu'elle le pouvait, elle allait jouer avec le petit frère de Joseph, puis sa fille. Elle s'assurait aussi que la famille hébergée ne manquait de rien. Au final, son Butler devint son seul et meilleur ami. Elle était heureuse de savoir la famille de celui-ci en sécurité : autrement, tous seraient morts de faim depuis longtemps, pauvres comme ils étaient.

Malgré leur amitié, Joseph se devait de se comporter en tant que vrai bon Butler en public. Les grandes conversations et autres activités amicales ne se faisaient que lorsque personne d'autre (excepté sa famille et / ou la mère de Cerys) ne pouvaient les voir.

Alors qu'elle avait sept ans, l'oncle de Cerys, Tristan Starrick, rendit visite à la famille. C'était un homme jovial et également contre l'église, ce qui faisait qu'il ne pouvait pas venir voir sa sœur très souvent, puisque le mari de celle-ci ne le supportait pas. Néanmoins, grâce au fait que Ailsa insistait beaucoup, elle put faire en sorte que Edward accepte que Tristan habite chez eux pendant un certain temps. Donc 13 ans en tout.  N'empêche que le jour même de sa visite, il passa énormément de temps avec sa nièce et l'introduisit subtilement à l'occultisme. Il n'en fallait pas plus à la fillette pour se plonger dans tout ce qu'elle pouvait dénicher sur le sujet. Et bien sûr, aucun de ses deux parents n'appréciaient cette passion. Jamais Cerys ne pourra assez remercier son oncle adoré pour lui avoir montré la voie de l'occultisme. Elle passait presque tout son temps avec lui. Leur lien était très fort. Malheureusement, après quelques années, son père finit par lui interdire de venir et elle ne le revit plus jamais.

C'est néanmoins cette interdiction et ce jugement négatif de l'occultisme qui envenima sa relation avec Edward au point où celui-ci ne voulait plus voir sa fille. S'ils se croisaient dans un couloir, ils changeaient de direction. Ils ne s'échangeaient plus aucun mot. Ce silence dura à partir de ses quinze ans jusqu'à ses vingt ans, où leur ultime dispute éclata et se termina par des blessures dans les deux camps. Cerys en garda bien des séquelles et son paternel en garda des cicatrices.

Aux yeux de Cerys, celui-ci cessa d'exister à partir de ce moment et c'était tout à fait réciproque. Elle n'avait même pas l'obligation de se marier, malgré le fait que sa mère lui avait trouvé un prétendant intéressant et surtout très riche. L'ambiance dans la maison empestait néanmoins la haine et n'était plus du tout confortable.

Honnêtement, si Cerys était toujours en vie à ce moment, ce n'était que grâce à sa mère, mais surtout grâce à Joseph.

Un peu plus d'un an plus tard, Ailsa annonça à sa fille une merveilleuse nouvelle : elle allait avoir un petit frère ! La jeune femme était bien évidemment heureuse comme jamais, mais elle se fixa également le but de protéger son petit frère de l'influence de son père. Elle voulait que ce petit être qui allait naître soit libre comme l'air. Qu'il puisse faire ce qu'il voulait... et peut-être même qu'il rencontre secrètement son oncle et qu'il s'intéresse aussi à l'occultisme.

Finalement, neuf mois plus tard, alors que Cerys lisait un livre à la bibliothèque, un messager arriva et s'adressa à Joseph. Celui-ci attendit que la jeune femme lui accorde son attention pour lui annoncer la nouvelle : sa mère avait accouché et elle était invitée à aller voir le nouveau-né... chose qu'elle fit immédiatement, avec un grand sourire. Enfilant son manteau et son chapeau, elle s'empressa de sortir de l'établissement où elle se trouvait, suivie de près par son meilleur ami.

Né un jour de neige, tout comme elle. C'était une très belle journée.

Et ce fut à ce moment que Cerys commit l'erreur la plus grave de sa vie : boire un peu du vin qu'elle transportait dans sa petite gourde à la santé de son frère, dont elle ne connaissait toujours pas le nom. La réaction se fit en moins de dix secondes et elle sentit une main se poser sur son épaule, suivie de la voix inquiète de Joseph.

- Mademoiselle ? ... Vous saignez ?

En effet, elle sentait quelque chose de chaud couler lentement de son nez. Puis de sa bouche. Et puis ses jambes la lâchèrent alors que tout tournait autour d'elle, toujours plus sombre. La dernière chose qu'elle entendit fut Joseph qui criait son nom.

Cette belle journée enneigée fut également sa dernière. Il y eut une naissance... Mais également un décès.