L’irréparable envie de tomber dans un sommeil éternel, que la paresse l’emporte dans une mort certaine. Alors que cette dernière ouvrait bien grand ses bras à lui, il se sentit perdu dans ce nouveau monde : comme si il avait échoué, comme si cette mort programmée avait ratée, loupée. Tyler ne fait pas ce métier par hasard, il ne livre pas des pizzas parce qu’il aime ça, il en livre parce qu’il n’a pas d’avenir, qu’il n’en a jamais eu, mais qu’il faut bien vivre par ses propres moyens au lieu de rester coucher au lit avec papa et maman. L’enfance était terminée, à quoi bon continuer de la chercher ? Pourtant, elle était là, dans son esprit, prenant une grande place. Il ne l’avait jamais abandonnée, c’était un grand enfant. Un grand enfant qui ne cessait de rester dans cette jeunesse intérieure éternelle. Mais c’était comme de la neige, elle finirait par fondre, et c’était parce qu’elle avait fondu qu’il était passé du mauvais côté à faire un acte irréparable.

Tyler, il a sombré, terriblement sombré, avant de se reprendre en main dans cette nouvelle vie, il était le meilleur allié des lames de rasoirs et des substances illicites, ainsi que des médicaments. Un, puis deux, puis trois, puis une overdose, puis un camion, puis un vide. Vide comme lui, comme cette coquille qui tente d’être un minimum productif lorsqu’il en a envie. Il se refugie derrière le dessin, c’était tout ce qu’il pouvait faire à présent. Un crayon bien taillé, sans dévisser le taille-mine. Un trait sur une feuille, sa créativité éclatant au grand jour. Et ça faisait du bien, cette feuille lui faisait du bien, parce qu’il pouvait s’exprimer à travers tout en restant dans le secret le plus total. Tout est morbide, il n’y a aucune couleur, c’est une manière subjective de voir ce vide intérieur.

Non, non, non, il n’est pas dépressif, il n’est pas suicidaire, il l’était. C’est fini, tout ça est terminé, il peut enfin dormir, après tout ce temps à essayer. C’est juste un génie de l’art, un surdoué incompris, quelqu’un d’étrange refusé par la société. Lorsque son cœur battait encore, il avait échoué à l’école à cause de cette intelligence hors normes. Il est hypersensible, tout le touche, il n’aime pas les remarques, il tente de les ignorer mais c’est dur, ce n’est pas facile, il pleure souvent, il sourit souvent. « Tout va bien » dit-il toujours. Il a peur, très peur des autres et du jugement qu’on lui porte. C’est un enfant qui aime rigoler, qui aime dire des choses idiotes mais aussi un adulte qui sait ce qu’il faut dire, qui sait être sérieux et poser les bonnes questions tout comme répondre correctement. Il sait où il va, il n’est pas perdu, il n’a juste pas confiance en lui, et c’est là le problème. Sa non-confiance est devenue de l’arrogance, étrange. Il essaie de rabaisser les autres pour se sentir un peu mieux, il essaie de se rabaisser pour être en accord avec ces derniers. Il est perdu, totalement perdu dans ce monde de fou. Mais il est gentil, il vous accueil à bras ouvert, juste qu’il n’ira pas vers vous. Il a une grande gueule mais sait se faire discret, il sait se fondre dans le décor. Il est terriblement normal.